Comme Julien Dugourd , il aurait rêvé d’être astronaute. Comme Céline (Les yeux grognons) et Maxime (Empreinte sucrée), il tient un blog à succès. Comme François Daubinet, il déteste l’association de la fraise et du chocolat. Comme Xavier Brignon, il est fan du chocolat Jivara. Comme Jérémie Ruinel, il lui est impossible de choisir entre la vanille de Tahiti et celle de Madagascar. Lui, c’est Mehdi, un homme singulier, un grand épris de liberté, un pâtissier passionné, le fondateur de The French Pâtissier.
Le parcours de Mehdi
Racontez-nous votre parcours.
Je suis né à Grenoble, puis j’ai grandi en Savoie jusqu’ à mes 18 ans. Après mon bac, j’ai sillonné la France pour suivre des études scientifiques. J’ai obtenu un doctorat en astrophysique et c’est pendant ma thèse que j’ai commencé à faire des gâteaux. On peut donc dire que je suis donc tombé dans la pâtisserie sur le tard, à 24 ans. Après mon doctorat, j’ai travaillé deux ans et demi dans le secteur bancaire, mais comme je ne m’y retrouvais pas, j’ai décidé de retourner à l’école et de passer un CAP pâtisserie.
Comment passe-t-on de l’astrophysique à la pâtisserie ?
Je suis fils de prof (ma mère enseignait le français et mon père était instituteur avant de devenir éducateur spécialisé). J’ai évolué dans un environnement où la prise de risque n’était donc pas vraiment ancrée, mais petit, je voulais être astronaute. Un œil gauche défaillant a mis fin à mes rêves d’enfant. J’ai alors marché dans les pas de mes parents et je me suis laissé porter sur la voie du professorat, sans grande conviction. À tel point que plus j’avançais, plus ce destin tout tracé de prof de sciences se dissipait.
C’est finalement la pâtisserie qui m’a ouvert de nouvelles perspectives et permis de mettre du lien entre toutes mes expériences : le côté très carré d’un parcours scientifique, l’innovation constante d’un doctorat, une éducation tournée autour de la transmission. C’est ainsi que le puzzle s’est imbriqué.
Vous être entré en CAP à 31 ans. Que vous êtes vous dit à ce moment-là ?
Que, contrairement aux autres élèves de ma promo, je n’avais pas 15 ans et donc pas vraiment le temps de suivre un parcours d’apprentissage classique ! Impossible de commencer à travailler chez le boulanger du coin puis de faire mes armes chez le meilleur pâtissier de la Ville avant d’espérer rejoindre le laboratoire d’un grand chef.
Je devais tout de suite viser haut et travailler avec les plus grands. Je me suis démené pour y arriver. Je me suis servi des réseaux sociaux pour approcher celles et ceux qui côtoyaient de près ou de loin les grands noms de la pâtisserie, en espérant que sur la cinquantaine de personnes contactées, une au moins me répondrait.
Et cela a fonctionné ?
Oui : j’ai eu 3 réponses positives et le luxe de choisir ! Parmi eux, il y avait François Daubinet et Cédric Grolet. Ce dernier travaillait déjà au Meurice et commençait à gagner ses premiers prix nationaux. Le choix a été cornélien mais j’ai rejoint le Meurice. À cette époque, j’étais à Lille du lundi au mercredi pour suivre les cours. Le jeudi, je partais à Paris, jusqu’au samedi et je retournais à Lille le dimanche. À l’issue de ces 10 mois de formation, je suis entré en pâtisserie chez Cyril Lignac par le biais de Benoit Couvrand. Pendant 6 mois, j’ai travaillé à la finition des gâteaux, de 22h à 5h. J’ai découvert un rythme et une organisation bien différents de ce que je connaissais jusque là. Au Meurice, il y avait 20 pâtissiers pour envoyer 400 gâteaux par jour. Chez Cyril Lignac, nous étions 20 pâtissiers aussi, mais nous devions réaliser 4 000 gâteaux pendant la nuit, pour qu’ils soient mis en boutique tôt le matin ! J’ai passé 6 autres mois en tant que tourier. Là j’ai appris à maitriser les pâtes pour les viennoiseries, les tartes, les brioches...
Quel était votre projet à cette époque ?
J’avais dans l’idée de monter un salon de thé à Lyon. Puis je suis parti faire un tour du monde pendant un an. Là, j’ai rencontré des gens qui travaillaient dans divers domaines, loin de chez eux et les pieds dans l’eau. J’ai découvert cette liberté de faire ce qu’on voulait quand on voulait et j’ai trouvé ça plutôt pas mal! En rentrant de mon périple, j’ai travaillé chez Maxime Frédéric, qui était alors chef pâtissier du Georges V. C’était top, mais le gap entre ce que je venais de quitter et la frénésie de la vie parisienne associée à celle d’un travail en palace, ça ne l’a pas fait ! La transition a été vraiment brutale et je n’ai pas supportée !
Je suis rentré à Lyon et j’ai passé 3 mois chez Bernachon en tant que chocolatier. Si l’expérience a été formidable, elle m’a surtout permis de comprendre ce que je voulais vraiment : être libre, à mon compte et faire les choses comme je les entendais.
Dans cette perspective, ouvrir un salon de thé n’était donc pas une bonne idée !
Alors j’ai lancé le blog The French Pâtissier en avril 2019, sans vraiment savoir ce que j’allais en faire.
Vous avez finalement opté pour des cours de pâtisserie ?
Oui, l’activité de transmission s’est imposée peu de temps après l’ouverture du blog mais je ne savais pas sous quelle forme je voulais donner mes cours ni à qui les adresser. J’ai parlé de ce projet avec Jean-Philippe, un ami passionné de pâtisserie qui travaillait alors dans la finance durable et nous avons poursuivi le projet ensemble. Nous avons donné nos premiers cours de pâtisserie en présentiel mais c’est quand l’e-book gratuit a été mis en ligne que nous avons décollé. Nous avons eu 1 500 téléchargements en un week-end ! C’était dingue ! J’ai compris qu’il y avait un truc à faire.
2020 est arrivé et le premier confinement avec. J’avais toujours envie de donner des cours mais il fallait trouver la meilleure manière de le faire dans un tel contexte.
Et comment avez-vous fait ?
Nous avons simplement cherché à améliorer l’existant ! Quand vous êtes est pâtissier amateur, vous avez deux manières d’apprendre à pâtisser. Soit vous vous rendez dans un atelier, pour réaliser une recette en présence d’un chef et vous repartez avec votre dessert. Soit vous êtes chez vous et vous suivez un cours de pâtisserie en ligne.
Dans le premier cas, il faut vous déplacer et parfois loin, car il n’y a pas des ateliers de pâtisseries dans toutes les villes et villages de France. D’autre part, si la présence du chef vous permet de poser toutes vos questions en direct, quand l’atelier est terminé, c’est terminé ! Et lorsque vous refaites la recette chez vous et qu’il y a des choses que vous n’avez pas comprises, vous n’avez plus personne à qui vous adresser.
À l’inverse, dans le second cas, vous n’avez pas à vous déplacer et le fait que vous puissiez voir et revoir la vidéo permet de mieux apprécier les tours de mains des chefs. Toutefois, si cela ne marche pas, vous ne pouvez pas poser vos questions pour comprendre ce qui a pêché.
Voilà pourquoi The French Pâtissier a voulu concilier le meilleur des deux solutions : offrir 3 heures de live durant lesquelles les stagiaires observent les tours de mains de chefs, écoutent leurs conseils et posent toutes leurs questions en direct. Disponibles en replay, ces cours, leurs questions et leurs réponses, sont aussi disponibles à vie !
Combien de personnes suivent vos cours en ligne ?
Il y a entre 100 et 150 inscrits au live que nous organisons chaque mois. Le dernier a été d’ailleurs été donné il y a peu avec Céline (Les Yeux Grognons. Un autre aura lieu le 24 avril avec Frédéric Bau ! Il sera question de chocolat Dulcey et de gourmandise raisonnée, évidemment. Dans les grandes lignes, nous allons préparer plusieurs recettes de base, montrer comment construire différents desserts à partir de ces différentes briques (verrines, entremets, desserts à l’assiette…). C’est un gros challenge ! D’abord parce que nous œuvrerons depuis chez Frédéric Bau et non dans notre laboratoire habituel, ensuite parce qu’il s’agit de Frédéric Bau et que cela a de quoi mettre la pression, enfin, parce que ce cours est très attendu par les passionnés de pâtisserie et que nous nous attendons à énormément d’inscrits !
La pâtisserie
Avez –vous un souvenir d’enfance lié à la pâtisserie ?
Oui, et si ce n’est pas celui qui m’a donné la vocation de pâtisser, il reste mon dessert préféré : les tartes de ma grand-mère. Les siennes ont fait de moi un fan inconditionnel de tartes !
Vous souvenez-vous du premier dessert que vous avez pâtissé ?
C’était un cheesecake à la framboise. Il était très bon, mais je l’ai trouvé trop sucré, top gras. De là, j’ai commencé à m’amuser et à mener des expérimentations en désucrant certaines recettes, en remplaçant un ingrédient par un autre, etc.
Que faites-vous lorsque vous ne pâtissiez pas ?
Je travaille beaucoup sur la communication de The French Pâtissier, l’animation des réseaux sociaux, les e-mail à envoyer, ceux auxquels répondre, la gestion du site, la création de contenus, les interaction avec les équipes…
La formation continue m’occupe aussi une journée par semaine.
Je voyage aussi dès que je peux, même si je ne pars pas toujours pour de lointaines destinations. J’aime bien aller me ressourcer dans les Alpes par exemple !
Je fais aussi pas mal de tennis et de course à pied et le reste du temps, je le passe entouré de mes proches.
Qu’est ce qui vous anime le plus dans votre métier ?
Le partage et la transmission.
C’est aussi pour cela que je n’ai pas ouvert de boutique : j’aurais été en coulisse, dans le labo et pas suffisamment en contact avec les autres.
Selon vous, qu’est-ce qui est le plus difficile en pâtisserie ?
Accepter que cela ne puisse pas marcher du premier coup ! C’est énervant à dire et à éprouver, mais une part de l’apprentissage passe par l’échec.
Si on parle de recette, celle qui m’a fait le plus peur et qu’il m’arrive encore de rater de temps à autres, c’est le feuilletage. J’ai mis longtemps à m’y risquer !
Pour obtenir un résultat parfait, il faut être ultra concentré et à l’écoute de la pâte, sinon, on rate !
Comment définiriez-vous vôtre pâtisserie ?
Créative, gourmande, naturelle qui respecte la saisonnalité.
Quelle est votre plus belle création ?
C’est une recette que j’avais élaborée au Meurice, dans le cadre du concours interne entre les stagiaires et les pâtissiers du palace. Il y avait un challenge de ce type, tous les deux mois, qui permettait au gagnant de suivre une journée de formation sur le thème de son choix. Il va sans dire que les stagiaires ne le remportaient jamais ! Cette fois-ci, la thématique était la tartelette. J’ai réalisé la Traverse, du nom du hameau dans lequel vivaient mes grands-parents. Hommage à mes racines, cette tartelette mariait les saveurs des myrtilles de la Savoie, à celles des noix du plateau Matheysin et du miel des ruches de ma grand-mère. J’ai mis mes tripes dans cette recette et ça a fonctionné : j’ai remporté le concours ! Je l’ai longtemps conservée secrète, par pudeur ou parce qu’elle m’appartenait trop encore, mais elle devrait bientôt être mise en ligne sur the French Pâtissier.
Quel chef pâtissier admirez-vous ?
Maxime Frédéric. C’est un génie de la pâtisserie et de la viennoiserie : tout ce qu’il touche se transforme en or ! C'est aussi un vrai gentil et une personne humble, ce que j'admire tout autant.
Le quotidien de Mehdi
Qu’est-ce qui vous énerve le plus dans la vie ?
L’intolérance : ça m’énerve au plus haut point !
Cela m’énerve aussi beaucoup de rater mes recettes ! En général, il faut que je m’enferme et que je râle un bon coup avant que mon agacement cesse.
À quoi ressemble une journée type ?
Je me lève vers 8h, je prends un petit déjeuner, je regarde les messages envoyés depuis Instagram et je fais un coucou à mes abonnés. Il m’arrive souvent de méditer mais je ne suis pas encore suffisamment organisé pour m’y astreindre chaque jour.
Ensuite je m’impose le principe du « 1 jour -1 tâche » : je travaille sur un cours, j’élabore une recette, je fais le shooting photo. Je suis un gros bosseur mais aussi un grand épris de liberté. Aussi, je sais m’accorder deux heures de tennis en semaine ou une journée off pour partir skier. A contrario, je n’ai pas de problème pour travailler un dimanche ou en semaine jusqu'à tard le soir !
Si vous n’aviez pas suivi l’appel de la pâtisserie, vous auriez été…
Astronaute : je me serai fait greffer un œil gauche et je serai parti en mission avec Thomas Pesquet ! Je n’aspire pas à devenir multi-milliardaire mais si d’aventure cela arrivait, j’achèterais un billet pour partir dans l’espace !
La gourmandise
Quel est votre dessert préféré ?
Les tartes, quelle que soit la saison ! L’hiver avec une bonne ganache au chocolat noir Caraïbe Valrhona et un praliné noisette. L’été, une bonne tarte aux fraises, basilic et clou de girofle.
Celui que vous aimez le moins ?
Les gros desserts à l’américaine avec plein de pâte à sucre, remplis de crèmes montées, et bourrés d’arômes artificiels et de colorants. Ça, je ne peux pas.
Celui que vous préférez pâtisser ?
J’aime beaucoup les tartelettes en forme de fleurs. On peut les décliner avec plein de goûts différents, ce qui laisse place à une grande créativité.
The French Pâtissier
Pourquoi avoir choisi ce nom de blog ?
J’ai rencontré pas mal de gens durant mon tour du monde et quand j’expliquais que j’étais pâtissier et Français, tous avaient des paillettes dans les yeux ! Au moment de créer mon blog, j’ai cherché un nom international à connotation franchouillarde et comme le mot « pâtissier » n’existe pas en tant que tel en anglais, j’ai retenu The French Pâtissier.
Quelle est la question que l’on vous pose le plus souvent ?
Pourquoi ça ne marche pas ? Pourquoi ça n’a pas fonctionné ? Pourquoi je n’ai pas le même résultat que celui montré dans la recette ?
C’est d’ailleurs pour cela, que j’ai édité mon ebook. Celui-ci présente 100 solutions pour résoudre 81 des problèmes techniques majeurs.
Quelles sont les pages les plus consultées de votre blog ?
En recette, c’est la tartelette choconuts, réalisée à base de caramel, de vanille et de ganache chocolat Valrhona noir Caraïbe. L’article le plus lu est « Comment réussi une pate à choux ? », un véritable must.
Quel est le profil de vos lecteurs ?
75% des personnes qui consultent The French Pâtissier sont des femmes. Elles sont âgées de 25 à 40 ans. Si elles ne sont pas toute titulaires d’un CAP pâtisserie ou en voie de le passer, elles ont naturellement toute une passion en commun : la pâtisserie.
Si vous pouviez repartir en arrière et changer une chose de votre carrière, laquelle serait-elle ?
Aucune. Je n’ai absolument pas de regret ! Tout sert à ce que je vis maintenant.
Valrhona
Parmi les ingrédients cooking proposés dans l’offre Valrhona Collection, quel est votre ingrédient coup de cœur et pourquoi ?
Mon coup de cœur, c’est la vanille Norohy. Que ce soit celle de Madagascar ou de Tahiti, à chaque fois je prends une claque !
Quel fruit préférez-vous associer à la vanille ?
Les fruits exotiques : un mélange mangue-passion-citron vert marié à la vanille, c’est top.
Même question avec le chocolat.
J’aime beaucoup la noisette ! Ça se marie très bien avec chocolat au lait comme le chocolat noir.
En revanche, je n’aime pas trop associer les fruits rouges avec le chocolat. Je sais que certains adorent mais pour moi, fraise-chocolat ou framboise-chocolat, ça ne marche pas.
Quel est votre chocolat Valrhona chouchou ?
Le chocolat au lait Jivara. Quand j’ouvre un paquet, la moitié part dans les recettes et l’autre, en général, je la mange.
Une astuce à partager autour de la vanille ou du chocolat ?
Je crois que d’autres l’ont dit avant moi mais il ne faut jamais jeter une gousse de vanille. La vanille c’est de l’or ! Il faut en tirer partie jusqu’au bout !
Une fois la gousse grattée, je la mets à infuser dans la crème avec les grains. Ensuite, je récupère une nouvelle fois toute la chaire de la gousse, puis, je la lave et la sèche. De là, elle peut servir en infusion dans une boisson alcoolisée ou non. On peut aussi la faire sécher en vue de la broyer pour obtenir de la poudre de vanille ou encore la mixer et la mélanger à du sucre pour réaliser un sucre vanillé maison !
Merci à Mehdi pour sa gentillesse et le temps qu’il nous a accordé.